Nous, Maréchal de France, chef de l'État français, Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Article
1er. – Est regardé comme juif, pour l'application
de
la présente loi, toute personne issue de trois
grands-parents de
race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son
conjoint
lui-même est juif.
Art. 2. – L'accès et
l'exercice des fonctions
publiques et mandats
énumérés ci-après sont
interdits aux juifs
:
1. Chef de l'État, membre du Gouvernement, conseil
d'État,
conseil de l'ordre national de la Légion d'honneur, cour de
cassation,
cour des comptes, corps des mines, corps des ponts et
chaussées,
inspection générale des finances, cours d'appel,
tribunaux
de première instance, justices de paix, toutes juridictions
d'ordre
professionnel et toutes assemblées issues de
l'élection.
2. Agents relevant du département des affaires
étrangères,
secrétaires généraux des
départements ministériels,
directeurs généraux, directeurs des
administrations centrales
des ministères, préfets, sous-préfets,
secrétaires
généraux des préfectures, inspecteurs
généraux
des services administratifs au ministère de
l'intérieur,
fonctionnaires de tous grades attachés à tous
services de
police.
3. Résidents généraux, gouverneurs
généraux,
gouverneurs et secrétaires généraux
des colonies,
inspecteurs des colonies.
4. Membres des corps enseignants.
5. Officiers des armées de terre, de mer et de l'air.
6. Administrateurs, directeurs, secrétaires
généraux
dans les entreprises bénéficiaires de concessions
ou de subventions
accordées par une collectivité publique, postes
à
la nomination du Gouvernement dans les entreprises
d'intérêt
général.
Art. 3. – L'accès et l'exercice de toutes les
fonctions publiques
autres que celles énumérées
à l'article 2 ne
sont ouverts aux Juifs que s'ils peuvent exciper de l'une des
conditions
suivantes :
a) Être titulaire de la carte de combattant 1914-1918 ou
avoir
été cité au cours de la campagne
1914-1918 ;
b) Avoir été cité à l'ordre
du jour au
cours de la campagne 1939-1940 ;
c) Être décoré de la Légion
d'honneur à
titre militaire ou de la médaille militaire.
Art. 4. – L'accès et
l'exercice des professions
libérales,
des professions libres, des fonctions dévolues aux officiers
ministériels
et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux juifs,
à
moins que des règlements d'administration publique n'aient
fixé
pour eux une proportion déterminée. Dans ce cas,
les mêmes
règlements détermineront les conditions dans
lesquelles aura
lieu l'élimination des juifs en surnombre.
Art.
5. – Les juifs ne pourront, sans condition ni
réserve,
exercer l'une quelconque des professions suivantes :
Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux,
revues,
agences ou périodiques, à l'exception de
publications de
caractère strictement scientifique.
Directeurs, administrateurs, gérants d'entreprises ayant
pour
objet la fabrication, l'impression, la distribution, la
présentation
de films cinématographiques; metteurs en scène et
directeurs
de prises de vues, compositeurs de scénarios, directeurs,
administrateurs,
gérants de salles de théâtres ou de
cinématographie,
entrepreneurs de spectacles, directeurs, administrateurs,
gérants
de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion.
Des règlements d'administration publique fixeront, pour
chaque
catégorie, les conditions dans lesquelles les
autorités publiques
pourront s'assurer du respect, par les
intéressés, des interdictions
prononcées au présent article, ainsi que les
sanctions attachées
à ces interdictions.
Art. 6. – En aucun cas, les juifs ne peuvent faire partie des
organismes
chargés de représenter les progressions
visées aux
articles 4 et 5 de la présente loi ou d'en assurer la
discipline.
Art. 7. – Les fonctionnaires juifs visés aux
articles 2 et 3
cesseront d'exercer leurs fonctions dans les deux mois qui suivront la
promulgation de la présente loi. Ils seront admis
à faire
valoir leurs droits à la retraite s'ils remplissent les
conditions
de durée de service ; à une retraite
proportionnelle s'ils
ont au moins quinze ans de service ; ceux ne pouvant exciper d'aucune
de
ces conditions recevront leur traitement pendant une durée
qui sera
fixée, pour chaque catégorie, par un
règlement d'administration
publique.
Art. 8. – Par décret individuel pris en conseil
d'État
et dûment motivé, les juifs qui, dans les domaines
littéraire,
scientifique, artistique, ont rendu des services exceptionnels
à
l'État français, pourront être
relevés des interdictions
prévues par la présente loi.
Ces décrets et les motifs qui les justifient seront
publiés
au Journal officiel.
Art. 9. – La présente loi est applicable
à l'Algérie,
aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.
Art. 10. – Le présent acte sera publié
au Journal officiel
et exécuté comme loi de l'État.
Fait à Vichy, le 3 octobre 1940.
Ph.
Pétain.
Par le Maréchal de France, chef de l'État
français
:
Le vice-président du conseil, Pierre LAVAL.
Le
garde des sceaux,
ministre secrétaire d'État à la
justice, Raphaël
Alibert.
Le ministre secrétaire d'État à l'intérieur, Marcel Peyrouton.
Le
ministre secrétaire d'État aux affaires
étrangères,
Paul Baudouin.
Le
ministre secrétaire d'État à la
guerre,
Général Huntziger.
Le
ministre secrétaire d'État aux finances,
Yves Bouthillier.
Le
ministre secrétaire d'État à la
marine,
Amiral DARLAN.
Le
ministre secrétaire d'État à la
production industrielle
et au travail,
René BELIN.
Le
ministre secrétaire d'État à
l'agriculture,
Pierre CAZIOT