Mission divine

La mission divine de la France


         "Les évêques ont fait la France comme les abeilles font la ruche " (Joseph de Maistre)

      Cette observation est exacte, mais sans doute trop restrictive. C'est l'église toute entière qui a nourri
la nation française, l'a façonné, l'a entretenu, n'a cessé de l'exciter et de la glorifier.
       La république française est bien ingrate de ne pas  reconnaître que ses prétentions à donner des leçons au monde entier sont dans la continuation de quinze siècles d'éducation et de flatteries.


        Dans les grandes écoles, on répète aux étudiants pendant plusieurs années qu'ils sont l'élite de la nation. La plupart d'entre eux finissent par en être persuadés.
         Pour les Français, s'entendre dire par les représentants de Dieu sur terre, pendant 1500 ans, qu'ils sont le nombril du monde, ça marque, forcément.


Première étape : le Saint-Siège reconnaît à la France une mission divine universelle
Vème siècle Testament de Saint Rémi. Voir Baptême de Clovis
       " Que de cette race sortent des rois et des empereurs qui, confirmés dans la vérité et la justice pour le présent et pour l'avenir suivant la volonté du Seigneur pour l'extension de sa sainte Eglise, puissent régner et augmenter tous les jours leur puissance et méritent ainsi de s'asseoir sur le trône de David  dans la céleste Jérusalem ou ils règneront éternellement avec le Seigneur. Ainsi soit-il." 
VIIIème siècle Déclaration du pape Etienne II  à Pépin Le Bref en 756  :
        " Au dessus de toutes les nations qui sont sous le ciel, votre peuple franc s'est montré le plus dévoué envers moi, Pierre, apôtre de Dieu".
XIème siècle Urbain II, pape, prêche aux Français la première croisade  le 27 novembre 1095 lors du concile de Clermont :
          " "Français qui m'écoutez, rappelez-vous les vertus de vos ancêtres. Plus qu'à toute autre nation, Dieu vous a donné la gloire des armes. C'est de vous, surtout, que Jérusalem attend le secours dont elle a besoin... Armez-vous du glaive des Macchabées et allez défendre la maison d'Israël, Dieu le veut !" (...)
           Je vous avertis et vous conjure non en mon nom mais au nom du Seigneur, vous les hérauts du Christ, d'engager par de fréquentes proclamations les Francs de tout rang, gens de pieds et chevaliers, pauvres et riches, à s'empresser de secourir les adorateurs du Christ et de chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs….. C'est le Christ qui l'ordonne…..A tous ceux qui partiront là-bas…. Une rémission immédiate de leurs péchés leur sera faite ; je l'accorde à tous ceux qui vont partir, investis par Dieu d'un si grand don….."
XIIème siècle         Le moine Guibert de Nogent (1055-1125) écrit une histoire de la première croisade qu'il intitule "Gesta Dei per Francos" : "L'action de Dieu passe par les Francs".
XIIIème siècle
Lettre du 21 octobre 1239, du pape Grégoire IX au roi de France Louis iX (saint Louis) :
      " Dieu, auquel obéissent les légions célestes, ayant établi ici-bas des royaumes différents, suivant la diversité des langues et des climats, a conféré à un grand nombre de gouvernements des missions spéciales pour l'accomplissement de Ses desseins.
         Et comme autrefois Il préféra la tribu de Juda à celles des autres fils de Jacob et comme Il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi Il choisit la France, de préférence à toutes les autres nations de la terre, pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, la France est le Royaume de Dieu même, les ennemis de la France sont les ennemis du Christ.
         De même qu'autrefois la tribu de Juda reçut d'en-haut une bénédiction toute spéciale parmi les autres fils du patriarche Jacob ; de même le Royaume de France est au-dessus de tous les autres peuples, couronné par Dieu lui-même de prérogatives extraordinaires. La tribu de Juda était la figure anticipée du Royaume de France.
        La France, pour l'exaltation de la foi catholique affronte les combats du Seigneur en Orient et en Occident. Sous la conduite de ses illustres Monarques, elle abat les ennemis de la liberté de l'Église.
         Un jour, par une disposition divine, elle arrache la Terre Sainte aux Infidèles ; un autre jour, elle ramène l'Empire de Constantinople à l'obéissance du Siège Romain.
        De combien de périls le zèle de ses Monarques a délivré l'Église !
        La perversité hérétique a-t-elle presque détruit la foi dans l'Albigeois, la France ne cessera de la combattre, jusqu'à ce qu'elle ait presque entièrement extirpé le mal et rendu à la foi son ancien empire.
          Rien n'a pu lui faire perdre le dévouement à Dieu et à l'Église ; là l'Église a toujours conservé sa vigueur ; bien plus, pour les défendre, Rois et Peuples de France n'ont pas hésité à répandre leur sang et à se jeter dans de nombreux périls...
           Nos prédécesseurs, les Pontifes romains, considérant la suite non interrompue de louables services, ont dans leurs besoins pressants recouru continuellement à la France ; la France, persuadée qu'il s'agissait non de la cause d'un homme mais de Dieu, n'a jamais refusé le secours demandé ; bien plus, prévenant la demande, on l'a vue venir d'elle-même prêter le secours de sa puissance à l'Église en détresse.
           Aussi, nous est-il manifeste que le Rédempteur a choisi le béni Royaume de France comme l'exécuteur spécial de Ses divines volontés ; Il le porte suspendu autour de Ses reins, en guise de carquois ; Il en tire ordinairement ses flèches d'élection quand, avec l'arc, Il veut défendre la liberté de l'Église et de la Foi, broyer l'impiété et protéger la justice... ".

NB : Cette lettre a été rappelée par saint Pie X le 13 décembre 1908 lors de la béatification de Jeanne d'Arc, et reçue avec une sainte ferveur par un gouvernement anticlérical, réuni à la cathédrale pour l'occasion.
Deuxième étape : la France se reconnaît à elle-même une mission divine universelle.
Pour celà, elle ne cherche plus à être légitimée par le Saint-Siège.
XIVème siècle - XIXème siècle        A partir du XIVème siècle, la France est tellement persuadée de sa mission divine qu'elle n'a plus besoin de Rome pour la lui rappeler.
       Son propre clergé, et en particulier les évêques, y pourvoient.

Les légistes de Philippe Le Bel (roi de 1285 à 1314) formulent le gallicanisme, indépendance spirituelle de la France par rapport au Saint-Siège.
1309-1376 : Installation des papes en Avignon.
1412-1431 : Outrepassant les prérogatives da Saint-Siège, Jeanne d'Arc déclare que Dieu est du côté des Français contre les Anglais. Elle est logiquement condamnée par l'église universelle pour insoumission et pour hérésie.
1438 : La "Pragmatique sanction de Bourges", signée par Charles VII, établit l'autonomie de l'église de France par rapport au pape.

1516 : Le Concordat signé entre François 1er et le pape Léon X accorde au roi de France l'autorité sur les prélats et le droit de nommer les archevêques, évêques et abbés du royaume. Ce droit est une étape importante vers la monarchie absolue et le despotisme centralisateur.
1682 : La "Déclaration des quatre articles", préparée par Bossuet et érigée en loi d'Etat par Louis XIV, affirme les libertés de l'église gallicane.
1790 : Par la Constitution civile du clergé, les prêtres sont tenus de prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi.
1801 : Un concordat est signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII. Le gouvernement français consacre son autorité sur tout le clergé de France, qui doit prêter serment de fidélité. Les évêques deviennent des fonctionnaires nommés par le gouvernement. La "Déclaration des quatre articles" est enseignée dans les séminaires.
Troisième étape : la France se reconnaît une mission universelle.
Pour celà, elle ne cherche plus à être légitimée, ni par aucune église, ni par Dieu.
9 décembre 1905           La République considère que la mission universelle de la France a été suffisamment laïcisée. Elle n'a plus besoin de Dieu pour se justifier. Croire en la mission civilisatrice, dominatrice et universelle de la France est une démarche citoyenne et un devoir laïque, qui remplace la foi religieuse.

           La loi de séparation des églises et de l'Etat est votée le 9 décembre 1905.

ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

     ARTICLE  2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.


          La loi de 1905 a appauvri et traumatisé le catholicisme français de l'époque. Elle a porté un coup fatal au gallicanisme.
          Mais le clergé gagne en indépendance. Il n'est plus tenu de rendre des comptes et d'obéir aux représentants de l'Etat sous peine de perdre son salaire. La République n'intervient plus dans la nomination des évêques.

        En fait le Saint Siège, dégagé des contraintes concordataires, pouvait reprendre le contrôle total de l'église catholique de France et de sa hiérarchie, et passer à l'offensive.
        Connaissant l'imaginaire qu'il avait contribué à susciter au plus profond de  la nation française, il a aussi repris ses marques sur la mission divine de la France, fille aînée de l'église...
         Est-ce un pari à long terme sur ce que sera l'imaginaire national français le mieux ancré, ou sur la désagrégation de la pensée laïque ?
XXème siècle
Saint Pie X, à Mgr Touchet, évêque d'Orléans, lors de la lecture du décret de béatification de Jeanne d'Arc, 13 décembre 1908.
     " Vous direz aux Français qu'ils fassent trésor des testaments de saint Rémy, de Charlemagne et de saint Louis, ces testaments qui se résument dans les mots si souvent répétés par l'héroïne d'Orléans : "Vive le Christ qui est Roi des Francs !"
XXème siècle Pie XI, extrait de la Lettre apostolique proclamant Notre-Dame de l'Assomption patronne principale de la France, Rome, 2 mars 1922.
     " Les pontifes romains nos prédécesseurs ont toujours, au cours des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée la fille aînée de l'Eglise. […]
      Il est certain, selon un ancien adage, que le Royaume de France a été appelé le Royaume de Marie, et cela à juste titre.
     Car depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à notre temps, Irénée et Eucher de Lyon, Hilaire de Poitiers, Anselme, qui de France passa en Angleterre comme archevêque, Bernard de Clairvaux, François de Sales, et nombre d'autres saints docteurs, ont célébré Marie et ont contribué à promouvoir et amplifier à travers la France le culte de la Vierge Marie de Dieu. A Paris, dans la très célèbre université de Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIII° siècle, la Vierge a été proclamée conçue sans péché. […]

     La Vierge-Mère en personne, trésorière de toutes grâces de Dieu, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et confirmer la dévotion du peuple français.
XXème siècle

Cardinal Pacelli (futur Pie XII), 13 juillet 1937, extrait du discours prononcé à Notre-Dame de Paris.

      " A la France d'aujourd'hui, qui l'interroge, la France d'autrefois va répondre en donnant à cette hérédité son vrai nom : la vocation. Car, mes frères, les peuples, comme les individus, ont leur vocation providentielle ; comme les individus, ils sont prospères ou misérables, ils rayonnent ou demeurent obscurément stériles, selon qu'ils sont dociles ou rebelles à leur vocation.

     Fouillant de son regard d'aigle le mystère de l'histoire universelle et de ses déconcertantes vicissitudes, le grand évêque de Meaux écrivait (Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, 3° partie, chap. 8) : Souvenez-vous que ce long enchaînement des causes particulières, qui font et qui défont les empires, dépend des ordres secrets de la Providence. Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les royaumes ; Il a tous les cœurs en sa main, tantôt Il retient les passions, tantôt Il leur lâche la bride, et par là Il remue tout le genre humain. […] C'est ainsi que Dieu règne sur tous les peuples. Ne parlons plus de hasard ni de fortune ; ou parlons-en seulement comme d'un nom dont nous couvrons notre ignorance. […] Une lumière resplendissante ne cesse de répandre sa clarté sur toute l'histoire de votre peuple ; cette lumière qui, même aux heures les plus obscures, n'a jamais connu de déclin, jamais subi d'éclipse, c'est toute la suite ininterrompue de saints et de héros qui, de la terre de France, sont montés vers le ciel. […]
XXème siècle

Jean-Paul II, 1er juin 1980, extrait de l'homélie prononcée au Bourget

     " France, fille aînée de l'Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l'homme, à l'alliance avec la sagesse éternelle ?

La partie n'est gagnée ni d'un côté, ni de l'autre...

Le Général de Gaulle, symbole historique de la nation française, n'est pas forcément du côté de ce qui se disent "républicains" . 

Discours à Rome, le 27 juin 1959  :

" Nous avons une responsabilité, celle de jouer le rôle de la France ; ce rôle, dans mon esprit comme dans le vôtre, se confond avec un rôle chrétien. Notre pays ne serait pas ce qu'il est, c'est presque banal de le dire, s'il n'était pas d'abord un pays catholique. Partout où il m'est donné de passer, non seulement dans la métropole, mais à travers les pays de la Communauté, et souvent aussi en terre étrangère, les Françaises et les Français religieux sont présents. Je constate et salue leurs efforts, leurs mérites, et je prends acte de ce que servant Dieu, il servent aussi notre patrie. De tout cela je voudrais vous remercier très simplement, en ajoutant comme dernier mot, l'affirmation de mon entière confiance dans les destinées de notre pays. Je pense que si Dieu avait voulu que la France mourût, ce serait fait. Il ne l'a pas voulu, elle vit, l'avenir est à elle. "

Dans sa biographie par David Schoenbrun, " les trois vies de Charles de Gaulle ", (traduction de Guy Le Clec'h), Julliard,1965 :

" Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L'élément décisif pour moi, c'est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs. "

Reviendrait-on au point de départ ?


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Contreculture / Mission divine version 1.1