Fabre d'Eglantine |
Calendrier républicain
La
première
république française fut proclamée le
22 septembre
1792, jour de l'équinoxe d'automne.
Par décrets du 5 octobre et du 24 novembre 1793, la Convention abolissait le calendrier romain. Elle lui substituait un calendrier républicain, c'est-à-dire français. |
" La
régénération du peuple
français,
l'établissement de la République, ont
entraîné nécessairement la
réforme de
l'ère vulgaire. Nous ne pouvions plus compter les
années
où les rois nous opprimaient, comme un temps où
nous
avions vécu. Les préjugés du trône et de l'église, les mensonges de l'un et de l'autre, fouillaient chaque page du calendrier dont nous nous servions. Vous avez réformé ce calendrier, vous lui en avez substitué un autre, où le temps est mesuré par des calculs plus exacts et plus symétriques. " |
" Tant
que l'année a
duré, les fonctionnaires publics, dépositaires de
la loi
et de la confiance nationale, ont dû prétendre et
ont
obtenu le respect du peuple et sa soumission aux ordres qu'ils ont
donné au nom de la loi ; ils ont dû se rendre
dignes non
seulement de ce respect, mais encore de l'estime et de l'amour de tous
les citoyens : s'ils y ont manqué, qu'ils prennent garde
à la fête de l'Opinion, malheur à eux !
ils seront
frappés, non dans leur fortune, non dans leur personne, non
même dans le plus petit de leurs droits de citoyen, mais dans
l'opinion. Dans le jour unique et solennel de la fête de l'Opinion, la loi ouvre la bouche à tous les citoyens sur le moral, le personnel et les actions des fonctionnaires publics ; la loi donne carrière à l'imagination plaisante et gaie des Français. Permis à l'opinion dans ce jour de se manifester sur ce chapitre de toutes les manières : les chansons, les allusions, les caricatures, les pasquinades, le sel de l'ironie, les sarcasmes de la folie, seront dans ce jour le salaire de celui des élus du peuple, qui l'aura trompé ou qui s'en sera fait mésestimer ou haïr. L'animosité particulière, les vengeances privés ne sont point à redouter ; l'opinion elle-même feroit justice du téméraire détracteur d'un magistrat estimé. C'est ainsi que par son caractère même, par sa gaieté naturelle, le peuple français conservera ses droits et sa souveraineté ; on corrompt les tribunaux, on ne corrompt pas l'opinion. Nous osons le dire, ce seul jour de fête contiendra mieux les magistrats dans leur devoir, pendant le cours de l'année, que ne le feraient les lois même de Dracon et tous les tribunaux de France. La plus terrible et la plus profonde des armes françaises contre les Français, c'est le ridicule : le plus politique des tribunaux, c'est celui de l'opinion ; et si l'on veut approfondir cette idée et en combiner l'esprit avec le caractère national, on trouvera que cette fête de l'opinion seule est le bouclier le plus efficace contre les abus et les usurpations de toute espèce. " |