Trois revendications indépendantistes, vues de Bretagne et d'ailleurs
Posons-nous la question des trois indépendantismes à travers un œil français. L’indépendantisme kanak peut être perçu comme un mouvement de décolonisation. La plupart des Français considèrent que le processus est inéluctable. Il ne remet pas en cause l’identité française. Mieux, si la France accompagne paternellement ce mouvement, les Français auront l’impression d’accomplir leur mission planétaire d’exemplarité démocratique. L’indépendantisme kanak profite de cette image que les Français ont d’eux-mêmes. Pour aider nos amis kanaks, flattons les préjugés français ! L’indépendantisme corse est vécu comme une promesse d’amputation du territoire. La France pourrait y survivre aisément, comme on survit à l’amputation d’un doigt ou d’une main. Mais la perspective est désagréable. Contrairement à la décolonisation, ce serait une défaite, une tâche sur la réputation et sur la mythologie française. Les indépendantistes corses ne peuvent s’attendre à aucune sympathie de la part des Français. Dénonçons le racisme anti-corse ! Vu de Paris, l’indépendantisme breton est encore moins acceptable que les deux autres. Il est en contradiction avec l’idée même d’identité française. Ce n’est pas une amputation, mais un attentat contre l’existence même de la France républicaine. L’indépendantisme breton, à la différence des deux premiers, est lié à un scénario d’effondrement. Il est impossible de persuader un bon Français que l’indépendance de la Bretagne peut être conforme aux droits de l’homme, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou à la démocratie. Pour lui, l’existence de la France "métropolitaine" prime tous ces grands principes. C’est plus que l’enjeu catalan pour l’Espagne, qui est un pays décentralisé. C’est plus que l’enjeu kurde pour la Turquie, dont les frontières ne datent que de 1923. L’indépendantisme breton est une volonté, mais ce n’est pas un projet du XXIe siècle. Pour qu’il devienne un projet, il faut autre chose que des slogans d'il y a 50 ans. Avant même l'action, il faut savoir vers où se diriger. L'entreprise nécessite une réflexion stratégique sur les forces et les faiblesses actuelles de la Bretagne, mais aussi sur les opportunités à saisir. De la réflexion émergeront des perspectives adaptées aux opportunités. Le soutien pratique que nous pourrons solliciter dépend de la compréhension que nos amis auront du projet breton. A mon avis, si la France évolue à l’allemande, le souverainisme breton devra emprunter la route de l'économique et du culturel, dans un cadre européen. Si la France évolue à la grecque ou à la vénézuélienne, ou si l’Europe connait le destin de l’empire soviétique, la sécession politique peut devenir un projet crédible. Lors du précédent effondrement de la France, entre 1940 et 1945, les indépendantistes bretons ont tenté leur chance. En l’absence d’une telle situation, que faire pour que la perspective offerte aux Bretons soit autre chose qu’une volonté contrariée ? JPLM
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