Les conflits
imprévus, par exemple celui des
« Pigeons », ont
été gérés de
façon empirique et participative. Le
passage de la charge fiscale de 75% sur les très hauts
revenus, de celui qui
reçoit à celui qui accepte de donner, est astucieux. La mise
en place de l’A.N.I. sur la
flexibilité du travail témoigne d’une
volonté de laisser les partenaires
sociaux trouver eux-mêmes des issues à des
problèmes complètements étrangers
aux hauts fonctionnaires et à la plupart des
députés.
De telles manières, il faut l'avouer, manquent de
panache.
D’abord, elles ne sont pas dans la grande tradition
d’arrogance. Ensuite, elles
pourraient se révéler efficaces. Enfin, elles
changent les rapports entre le
monde réel et le monde politique. Trois raisons de
s’en méfier... Elles
déconsidèrent l’aristocratie
administrative qui vit grassement de problèmes non
résolus.
Les
vieux
démons reviennent. En Bretagne, nous remarquons certains signaux
faibles. Que signifie "amendement Le Fur-De
Rugy" au pied de la Tour Eiffel ? Que signifie "Charte des
langues régionales" dans le 15ème arrondissement
de Paris ?
Que signifie "Livret de famille bilingue" à la Bastille ? De
notre
péninsule excentrée, nous voyons ce que ne voient
pas ceux qui vivent dans le
bruit et la fureur de la mondanité.
Wellington disait
que la France est une cascade de mépris.
Le riche méprise le moins riche. Le grand méprise
le moins grand. Le Parisien
méprise le provincial. Le citadin méprise le
paysan. Le mépris
s’appuie sur des principes. Et les Français en
ont, des principes ! Des grands, des beaux
principes !...
Ils ont par
exemple un principe de laïcité.
Ce
principe ankylose leur esprit et
limite leur
imagination. Il les condamne au
conflit quand,
paradoxalement, il s’agit de trouver des solutions nouvelles pour vivre
ensemble.
Ils ont un principe
d’égalité. Ce
principe-là les
rend paranos. Tous ceux qui ne marchent pas au pas sont une menace pour l’ordre
établi. Les citoyens doivent être interchangeables. L’administration
française ne comprend qu'une seule langue ;
elle se considère -par principe- plus
stupide que l’administration belge. Qu'importe. Son but est le
monolinguisme républicain,
pas l’intelligence.
Ils ont un
principe du rapport de forces. Ils
votent pour ceux qui défendent leurs
intérêts. Le
bien commun est pour eux une fiction et un attrape-nigauds. Ils se font
gloire
de ne rien céder, ne rien lâcher, ne jamais se laisser séduire par le bien commun.
Ils ont depuis peu
un principe de précaution.
Les
Français adorent légiférer pour les
siècles des siècles ; le principe de
précaution s’inscrit dans le rêve d'une grandeur
française conservée pour l'éternité. D'autre part, ils aiment parader, et il est plus théâtral d'interdire que de permettre.
S’il
n’allait pas faire de miracles, François Hollande
apparaissait comme celui qui allait tarir -au moins un peu ! au moins
provisoirement !- la cascade du mépris. Quelques
évènements récents annoncent le
retour des grands principes.
Les
Français ont une Constitution. C’est un bouquet de
principes, qui a la fragilité
cassante d’un bouquet sec. C’est
du mort qui ressemble à du vivant. A chaque fois
qu’on exhibe la Constitution,
c’est pour interdire quelque chose. Pour éteindre
un débat. Pour refouler une
aspiration. Ce vieux texte militaire et complètement has been ne porte aucune
des valeurs qui permettront de construire le nouveau siècle.
Tout le monde le
sait. Alors, pour ne pas risquer le ridicule universel, on n'en fait pas un objet de débat. On le sort de
temps en
temps du tabernacle de la République. On l’exhibe
rapidement, on demande le
silence. On exige des fidèles qu’ils
s’agenouillent et qu’ils baissent les
yeux. On espère que les peuples du monde
s’abstiendront de faire des
commentaires déplaisants ou moqueurs.
Affirmation
arrogante de la laïcité pour justifier le refus d'évoluer.
Entêtement sur le centralisme,
alors que le centre n’est plus qu’un nid de
parasites et de corrompus. Refus de
remodeler les régions, de crainte d’un dynamisme
incontrôlé. Cris d’orfraie du
monolinguisme républicain face au multilinguisme breton.
Remarquons que les
revendications sociétales de la
périphérie et de la
France réelle ne coûtent rien à
satisfaire.
Elles rapprochent au contraire la France des autres pays
européens. Elles
permettent d'envisager une politique intérieure commune et
une vraie
gouvernance européenne. En effet, comment pourrait-il
exister une gouvernance
européenne avec une France qui se croit encore au XIXe
siècle ?
La ratification de
la Charte des langues régionales par la
France est avant tout une mesure symbolique. Le symbole, c'est celui de
l'intégration
européenne. La vieille aristocratie républicaine
n’en veut pas. Elle y voit une
menace pour ses privilèges. Elle se défend en
mobilisant les mythes jacobins et
les intérêts corporatistes. Les
extrêmes, à gauche et à droite, ont
mordu à
l’hameçon. Reste pour l’aristocratie
républicaine à retrouver son influence au
coeur de l’État.
Le retour des
grands principes fait oublier que le principal
enjeu auquel est confrontée la France n’est
pas d’ordre sociétal, mais
d'ordre économique. Or, les doctrinaires n'ont jamais
été de bons
gestionnaires, surtout par gros temps. Ce sont même les plus
mauvais
gestionnaires qui soient.
Le retour des
grands principes républicains ne présage rien
de bon pour la santé économique et sociale de
l’Hexagone. Il nous faut préparer le scénario de l’effondrement. La question est
simple : Comment faire, lorsque la
France va s’effondrer, que la Bretagne tombe moins
bas ?