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Sade (Marquis de)


Mythologie de l'audace et de la transgression


          Sade est ce que l'on appelle aujourd'hui un " loser ". Il a vraiment la poisse.

          Il se fait emprisonner alors que tout autre, muni de sa fortune, passerait sans encombre. La prise de la Bastille aurait pu faire de lui un héros ; il la rate de 10 jours et y perd tous ses manuscrits. Il se fait soupçonner de délits qui lui sont étrangers. Ses biens sont mis sous séquestre par erreur. Il se fait plumer par des escrocs.

          De plus, avec le "divin" marquis, nous sommes bien loin de la liberté sexuelle. C'est un jules à l'esprit étroit, qui bat sa femme qu'il soupçonne d'infidélité.
          Contrairement à dom Juan, il ne fait pas de conquêtes féminines ; il fait des achats. C'est un riche, qui s'offre des plaisirs tarifés.

          Il n'a manifestement aucun prestige. Sa femme prend l'initiative de le répudier. Les mendiantes et les prostituées auxquelles il s'adresse n'hésitent pas à le dénoncer et à le traîner en justice.
          Emprisonné pendant des années, il n'arrive pas à se faire juger.

          A partir du XXème siècle, Sade devient un mythe républicain, emblématique de l'audace et de la transgression. Adorer Sade et choquer les passants, c'est donner des preuves de liberté. Cela équivaut, pour la petite bourgeoisie voltairienne, à "chanter les paillardes romances qui font peur aux nonnettes", comme disait Jacques Brel.
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L'homme qui avait la poisse


1740      2 juin : Naissance dans une vieille famille aristocratique.

              3 juin : Pour son baptême, on se trompe de prénom. Plutôt que Louis-Alphonse-Donatien, on l'appelle
              Donatien-Alphonse-François. Cette embrouille lui créera des problèmes administratifs toute sa vie.


1755      Entré dans l'armée, il est nommé sous-lieutenant, mais sans solde.

1757      Il touche enfin une solde et est envoyé se battre contre la Prusse.

1763       Il revient de la guerre avec le grade de capitaine. Toutefois, la guerre de Sept Ans ayant été enterrée par le Traité de Paris,
               il est démobilisé et perd son rang.


Son père l'oblige à se marier. Il a le choix entre Laure de Lauris, dont il est follement amoureux, et Renée-Pélagie de Montreuil.
Son père fait pour lui le choix de cette dernière, qui est plus fortunée.
Il signe les registres de son mariage, le 17 mai, de son prénom Louis-Alphonse-Donatien.


                29 octobre : Il est enfermé au château de Vincennes pour avoir été raflé dans un bordel.
                Par ordonnance du roi, il est libéré le 13 novembre, mais confiné dans un château appartenant à la famille de sa femme.
                L'ordonnance sera révoquée le 11 septembre 1764.


1767        24 janvier : Le père meurt. Le marquis de Sade est le seul héritier.

                Octobre : Le marquis de Sade essaie sans succès de s'attacher (pour 25 louis d'or par mois) Mlle Rivière, de l'Opéra. Il est
                tellement maladroit qu'il y aura un rapport de police sur cette affaire.


1768         Avril : Sade kidnappe une mendiante, Rose Keller, qui parvient néanmoins à s'échapper et qui porte plainte auprès des
                 juges locaux. Madame de Sade parvient à faire retirer la plainte au prix de 2400 livres et 7 louis d'or.


                12 avril : Sade est emmené en résidence surveillée au château de Saumur.

                15-23 avril : Malchance : les juges locaux sont dessaisis et c'est la cour criminelle de La Tournelle qui reprend l'affaire.    
                Sade est transféré à la forteresse de Pierre-Encise, près de Lyon.


                16 novembre : Le marquis est libéré, mais assigné à résidence dans son manoir de La Coste, en Provence.

1770         Sade est réincorporé dans l'armée comme capitaine du régiment de Bourgogne. Mais son supérieur le met aux arrêts et
                 interdit à quiconque d'obéir aux ordres du nouveau capitaine. Après cet incident pénible, il sera rétabli dans ses fonctions.


1771        Septembre : il passe une semaine de prison à Fort l'Evêque pour dettes.

1772        Juin 1772 : En voyage à Marseille, il demande à son valet, Latour, de lui trouver des prostituées. Celui-ci en trouve quatre.
                 Le marquis offre à au moins deux d'entre elles un aphrodisiaque. Puis plus tard, à une autre prostituée, Marguerite Coste,
                 il offre aussi le même produit. Celle-ci se plaint de maux de ventre et porte plainte pour empoisonnement. Là-dessus, les
                 quatre premières prostituées portent plainte à leur tour et, dans la foulée, accusent Sade et son valet de " sodomie
                 homosexuelle ". Le procureur lance un mandat d'arrêt contre Sade et Latour, qui s'enfuient à Chambéry (la Savoie ne fait
                 alors pas partie de la France). Leurs biens sont saisis.


                Septembre : Sade est condamné à mort par contumace

                Décembre : Pourquoi et comment le dossier passe t'il la frontière ? En tout cas, Sade est arrêté au nom du roi de
                Sardaigne, duc de Savoie, et envoyé en prison. La famille du marquis le déshérite et lui retire ses droits familiaux.


1773        Janvier : le directeur de la prison écrit à plusieurs reprises au gouverneur de Savoie, décrivant Sade comme un personnage
                faux et impulsif. Il décline toute responsabilité sur la sécurité du prisonnier.


                30 avril : Sade et Latour parviennent à s'évader. Sade revient au manoir de La Coste.

1774        Janvier : La police investit le manoir. Sade réussit à s'enfuir, mais la police brûle ses manuscrits.

1775        Janvier : La marquise de Sade, alors que son mari vit en reclus clandestin au manoir de La Coste, embauche de jeunes
                servantes. Mais certains des parents portent plainte. La marquise renvoie promptement les jeunes filles de La Coste et les
                enferme dans des monastères. Elle demande, pour établir la vérité, qu'elles soient examinées par un médecin. Mais cette
                mesure ne sert à rien, personne ne s'en préoccupe, et la rumeur s'étend. Sade est considéré comme le responsable de tous
                les crimes sexuels de la région, et les enfants qui naissent à proximité du manoir sont soupçonnés être de lui.
                Pendant que sa femme se démène pour faire taire la rumeur, Sade s'enfuie en Italie.


1776        Janvier : A Naples, nouvelle malchance. Sade se fait prendre pour M. Tessier, un escroc français. Pour se disculper, il
                révèle sa vraie identité. Un peu perdu, il écrit à sa femme pour lui demander ce qu'il doit faire.


                Novembre : Sade revient à La Coste.

1777        Janvier : Le père d'une servante du manoir, Catherine Trillet, au courant des rumeurs qui courent sur le manoir de La
                Coste, essaie de tuer Sade.


                13 février : Le marquis de Sade est arrêté à Paris et emprisonné au château de Vincennes.

1781        Octobre : Les visites de la marquise à son mari emprisonné sont suspendues, pour éviter les agressions dont elle est
                victime. Sade a une réputation de libertin mais c'est d'abord un jaloux, mortifié par l'infidélité réelle ou supposée de sa
                femme.


1782        Septembre : Les visites de la marquise, qui avait repris, sont à nouveau interrompues à cause de la violence du mari
                 jaloux.


1784         Février : Sade est transféré à la Bastille.

1785         Fin de la rédaction des Cent vingt journées de Sodome.

1787          Fin de la rédaction de Les infortunes de la vertu.

1788          Sade écrit Eugénie de Franval en 6 jours et dresse un catalogue raisonné de ses oeuvres.

1789           4 juillet : Le marquis est transféré à l'asile de fous de Charenton.

                   14 juillet : Prise de la Bastille ; tous les prisonniers de la prison sont libérés et portés en triomphe. Comble de la poisse :
                   La cellule de Sade, où il avait laissé les biens, les manuscrits, les livres accumulés depuis le début de sa détention , est
                   dévastée. Tout part en fumée.


1790           2 avril : Sade est libéré, sans un sou. Le lendemain, il cherche à voir sa femme mais celle-ci refuse de le recevoir et lui
                   annonce qu'elle demande la séparation.


                   Juin : Le tribunal du Châtelet prononce la séparation du couple, et condamne Sade à restituer à sa femme les 160 842
                   livres qu'il a reçu lors du mariage.


                    Juillet : Sade se met au goût du jour et devient sans-culotte. Il s'inscrit comme " citoyen actif " à la section de Vendôme
                    (qui deviendra section des Piques) de la Commune de Paris. Il se met en ménage avec une actrice mère d'un jeune
                    enfant, Marie-Constance Quesnet, délaissée par son mari.


1791            Sade vivote en faisant jouer sans grand succès ses pièces de théâtre. Justine ou les malheurs de la vertu est publié
                    anonymement.


1792            Mars : Une manifestation de Jacobins interrompt sa pièce Le Suborneur, accusant l'auteur d'être un aristocrate.

                    Août : Sade renie publiquement son fils, qui vient de déserter. Précision sur la sincérité patriotique du père : La
                    République vient de décréter que les parents sont responsables des crimes de leurs enfants.


                    Le Château de La Coste est attaqué, pillé et brûlé par la population. Tout ce qui a échappé à la fureur populaire est
                    détourné par la nouvelle administration d'Apt, qui manque de vertu.


                    Octobre : Sade écrit un pamphlet républicain, Idées sur le mode de la sanction des loix.

                    Décembre : Erreur ou malice ? Poisse en tout cas. Le nom de Louis-Alphonse-Donatien Sade apparaît sur une liste
                    d'émigrés ennemis de la République du département des Bouches-du-Rhône. Ses propriétés dans le département sont
                    mises sous séquestre.


1793           Juin : De nouveau la poisse. Sur la liste d'émigrés ennemis de la République du nouveau département du Vaucluse, le
                    nom de Sade réapparaît.


                    Septembre : Le pamphlet de Sade Discours aux mânes de Marat et de Le Peletier est approuvé par la Section des Piques
                    et envoyé à l'Assemblée Nationale. Mais la gloire révolutionnaire est courte. En décembre, Sade est arrêté et incarcéré.


1794            Mars : Il envoie un mémoire en défense au Comité de salut public. Il se traîne dans la boue. Il assure qu'il a été
                    submergé de joie quand le roi a été décapité. Il nie qu'il ait jamais été un aristocrate, et prétend qu'il est d'une lignée de
                    paysans.


                    Octobre : Robespierre est mort. Sade est libéré et autorisé à vivre à Paris.

1795             Publication de La philosophie dans le boudoir, Alice et Valcour, la nouvelle Justine, Juliette.

1796            Octobre : Sade vend ce qui reste du manoir de La Coste. Mais pas de chance, les acheteurs ne sont pas honnêtes, et il
                     ne sera jamais intégralement payé.


1798            Septembre 1798 : Sade est expulsé de son logement à St Ouen, qu'il ne peut plus payer. Il est accueilli par des paysans
                   dans la Beauce.


                   Novembre : Sade a placé l'argent qu'il a récupéré de la vente de La Coste dans une opération immobilière pourrie à
                   Malmaison et Grandvilliers. Devenu insolvable, il est expulsé de la ferme et erre sur les routes.


1799            Après plusieurs mois de misère, il apprend que son nom a été retiré de la liste des émigrés du Vaucluse ; il peut donc
                   retrouver ses propriétés. Il s'apercevra que, depuis 30 ans, la gestion de ses biens par son chargé d'affaires, Gaufridy, est
                   catastrophique. Trop tard.


1800            Juin : Sade est accusé (sans doute à tort) d'être l'auteur de Zoloé, un pamphlet qui attaque des personnes influentes
                   comme mesdames Tallien ou Bonaparte. Ayant attiré malgré lui les orages, il est alors désigné à la vindicte publique
                   comme l'auteur de Justine.


1801            Mars : Sade et son imprimeur Nicolas Massé sont arrêtés, Sade ayant eu la malchance de se trouver dans l'imprimerie
                   quand la perquisition a commencé. Pas de chance non plus avec l'imprimeur : celui-ci charge Sade de toutes les
                   infamies.


                    Avril : Plutôt qu'un procès qui ferait scandale, le préfet décide de placer Sade en internement administratif, sans
                    jugement, à la prison de Sainte Pélagie. Mesure exceptionnelle, en dehors de tout droit. Pauvre homme.


1802            Il écrit au ministre de la justice en jurant qu'il n'est pas l'auteur de Justine.

1803            Sade est transféré en mars à la prison de Bicêtre, puis en avril à l'asile de Charenton. Sa famille accepte de payer pour
                    lui une pension annuelle de 3000 francs. En échange, Sade renonce à tous ses droits de propriété.


1807            Sade termine Les journées de Florbelle, son œuvre de maturité en 10 volumes. L'ouvrage sera saisi et brûlé par la
                    police.


1814            2 décembre : Sade meurt à l'asile. Dernière contrariété posthume : Ses dernières volontés ne sont pas respectées, et il
                    est enterré dans le cimetière de Charenton.


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ContreCulture / Sade version 1.1