André Mornet

Procureur général de la République française

( Un modèle du genre )

Mornet

Qui est André Mornet, procureur général au procès Pétain ?
Forcément un bon, un vrai, un authentique héros français.
Notre homme est connu pour avoir envoyé au peloton d’exécution, pendant et après la guerre 14-18, un bon nombre de rebelles et de déserteurs. Des traîtres aussi, ou supposés tels. Dans toute guerre, la trahison a une définition élastique.

 
C’est André Mornet qui a envoyé à la mort la fameuse Mata-Hari, exécutée le 15 octobre 1917 après un procès truqué.
Envoyer quelqu’un à la mort, celà vous pose problème, à vous ? Pas à lui. Revenant sur cette affaire en 1949 il déclarait à Paul Guimard au cours d’une émission radiodiffusée : " Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat."

 
Le procureur Mornet, en fait, dispose d’une méthode. Une bonne et belle méthode de procureur de la République française. C’est cette méthode qu’il expose lors de la préparation des procès de Laval et Pétain :

" Nous ne sommes pas des historiens, il appartiendra à ceux-ci, dans l’avenir, de faire des recherches soigneuses (...) ; il ne convient pas de s’attacher à des dépouillements d’archives trop poussés. Dans une affaire, il suffit de rassembler un ou deux documents apportant la preuve de un ou deux faits pour lesquels il est impossible d’opposer la preuve contraire ".

Archives nationales, 3 W-26 cité par A. Bancaud « La justice politique sous Vichy et à la Libération : les procès de Riom et en Haute Cour », dans Association Française pour l’histoire de la justice (ed.), Les ministres devant la justice, Arles, Actes Sud, 1997, p 223

La méthode Mornet, c’est aussi de considérer le débat judiciaire comme inutile. Le 28 avril 1945, plusieurs mois avant le procès du maréchal Pétain, notre procureur général annonce qu'il demandera la peine de mort.
C’est là une pratique bizarre, mais il est vrai que la justice politique est à la justice ce que la littérature politique est à la littérature. Tout est convenu d’avance. Pourquoi y mettre les formes ? Pourquoi faire semblant ?

 
Le procureur Mornet est le seul magistrat du procès Pétain qui n’ait pas prêté serment de fidélité au maréchal. Même le président du tribunal, Mongibeaux, avait prêté serment en 1941.
Alors, alors, un insoumis de la première heure ?

Non, non, vous n’y êtes pas. Il s’en explique d’ailleurs publiquement au cours du procès du maréchal :
 
" J'étais à la retraite depuis dix-huit mois lorsque, au mois de septembre 1941, le serment a été imposé aux fonctionnaires publics. Je n'ai donc pas eu l'occasion de me poser la question.
Aurais-je prêté le serment ? Peut-être. Peut-être, je le dis sans hésiter, parce que je considère qu'un serment imposé à des fonctionnaires publics par les détenteurs d'une autorité exercée sous le contrôle de l'ennemi, un pareil serment n'a aucune espèce de valeur et que, par conséquent... "

Devant cette conception opportuniste du serment chez quelqu’un qui pourfend les traîtres et les opportunistes, la salle émet quelques murmures. Le procureur s’exclame :
     " J'invite la cinquième colonne à cesser ses manifestations... "
 
C’est vrai. Au théâtre comme au tribunal, ce sont les acteurs qui s’expriment. Les spectateurs doivent se taire.
Une autre fois, alors que des spectateurs protestaient contre une des nombreuses irrégularités du procès, notre tenant de l’ordre établi rugit :
     " Il y a en vérité trop d'Allemands dans cette salle ! "
 
Celui qui ne se soumet pas à l’ordre républicain est forcément un ennemi étranger. Ou, aujourd'hui, un communautariste.
 
Notre ami est sûr de lui, me direz-vous. Retraité actif, il est président honoraire de la Cour de cassation en 1940. Et il n'hésite pas à se mettre au travail pendant la guerre.
 
Il est directeur de la Justice militaire en mai 1940. Je ne vous fait pas de tableau. Sus aux déserteurs, aux pacifistes, aux saboteurs.
 
En août 1940, il fait partie de la Cour de Riom, chargé de juger Léon Blum, Daladier, et tous les responsables (civils) de la pâtée qu’avait prise les Français en 1940. Encore un bon procès politique comme il les aime.

A partir du 6 septembre 1940, il est vice-président de la commission chargée par Vichy d’épurer les naturalisés de fraîche date, c’est à dire les Juifs.
 
Pris à partie en 1945 par Maître Chresteil (procès Esteva), puis Maître de Vésinne-Larue (procès Dentz), enfin par Jacques Isorni (Procès Pétain), Mornet dira :

" Oui, j'ai accepté d'explulser de la nation ceux qui étaient ses ennemis, ceux qui étaient indignes, ceux qui formaient une collectivité dans la collectivité française "
15 mars 1945. Procès Esteva. Cité par D. Venner, Histoire de la collaboration, ed Pygmalion, 2000, page 518

      " Oui, j’ai fait partie d’une Commission sur la portée et sur le sens de laquelle on m’avait trompé, lorsque j’ai dit que j’accepterais d’en faire partie ; pour protester précisément contre les mesures dont on avait entendu parler, mais que je n’aurais pas cru qu’on appliquerait un mois après. Et si je suis resté, c’est au su de tout le monde dans ce palais et personne ne me démentira. C’est sur la prière même des persécutés, et je me félicite d’en avoir sauvé au moins 50% ".

Commentaire d’Henri Amouroux : " 50% , c’est exactement la thèse qui sera soutenue par beaucoup de collaborateurs".


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ContreCulture / Mornet V1.2