Suzanne Citron

Citron (Suzanne)


Observatrice de manuels scolaires


         Suzanne Citron, agrégée d’histoire-géographie traite de l’histoire de France dans son livre intitulé « Le mythe national » et sous-titré :« L’histoire de France en question » (Collection Editions Ouvrières, édition de 1991)

        Au chapitre 5 « Quoi de neuf dans les manuels scolaires ?» page 94, elle aborde le Paradoxe de « l’histoire de France » dont voici quelques extraits :

Manuel d'histoire

Histoire de France cours élémentaire    éd. Armand Colin - 1913

           Malgré quelques ouvertures, qui ne concernent que la deuxième moitié du XX siècle, l’histoire à l’école est à réinventer, une histoire qui cesserait d’avoir pour seule logique le processus de construction de l’Etat-nation.

          L’histoire du « pays des droits de l’homme » n’a rien d’une histoire des droits de l’homme : tel est le paradoxe non résolu forgé par l’historiographie républicaine, celle que nous ont léguée, avec seulement des nuances entre eux, les historiens républicains (ou ralliés) de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème. Le Petit Lavisse nous a fait percevoir d’une façon quasi-caricaturale une histoire que les Français continuent d’intérioriser : celle d’une suite de conquêtes licites parce qu’elles « font la France », celle d’une France pré-inscrite dans l’espace mais également prédestinée à l’excellence humaine. La légende forgée pour l’école de Jules Ferry qui devait inscrire dans le cœur de tous les petits Français la religion de la France, confondue avec le culte de l’Etat à travers ses grands hommes, inspire toujours en filigrane la construction des manuels , donc des programmes et par conséquent survit comme grille exclusive du passé dans l’intellectuel des concepteurs de programmes.

          Or c’est au fond une histoire totalitaire, histoire d’un pouvoir où jamais l’on entend la voix des vaincus, des annexés, des persécutés, des opposants. Mémoire de l’Etat, à l’exclusion des autres mémoires qu’elles soient régionales, culturelles, religieuses, elle occulte ce qui la gêne ou elle l’ignore, mais ces ignorances sont significatives. Elle n’initie qu’à des sociétés transparentes, homogènes, mythiques en fin de compte : Gaule, Moyen Age, Ancien Régime. (…)

          Comment comprendre le drame de l’Algérie en dehors d’un enseignement historique qui avait vanté la « bonté de la France » à l’égard des « indigènes » et magnifié la conquête de l’Algérie devenue partie intégrante de la France (comme l’étaient les pays occitans,la Bretagne, la Savoie, la Corse) ? le long refus de reconnaître aux Canaques une identité culturelle spécifique et les réticences face au fait musulman dans l’hexagone ne sont-ils pas aussi un legs de cette histoire ?


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Contreculture / Citron version 1.0