Mercuriale d'octobre 2007

« Quand on veut plaire dans le monde,
il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait
par des gens qui les ignorent. »
(Nicolas Chamfort )
 
          Un fossé s’est creusé entre la laïcité française et le savoir moderne. On se souvient du livre de Daniel Sallenave, Dieu.com, qui faisait le constat goguenard que les nouvelles technologies étaient particulièrement bien maîtrisées par les obscurantistes. Au temps de Galilée, ils refusaient l’idée que la terre tourne. Aujourd’hui, ce sont les lumiéristes qui considèrent que le monde virtuel ne tourne pas rond. Ironie et retournements de l’histoire.
 
          Les maîtres qui savaient –et qui ne savent plus- ont gardé l’habitude de pontifier. L’arrogance française persiste à nous apprendre des choses que nous savons et qu’elle ignore. En voici deux exemples récents :
Sur son blog, à la date du 23 septembre 2007, le sénateur Jean-Luc Mélenchon  nous donne un cours de linguistique bretonne. Il assure qu’il n’existe pas une langue bretonne, mais cinq. Devons-nous lui faire découvrir les œuvres en moyen-breton du XVIème, l’unification orthographique du XVIIème ? Devons-nous rappeler les directives de la Troisième république pour mythifier les dialectes bretons, dans le cadre de sa stratégie de destruction ? Devons-nous faire remarquer que M. Mélenchon ne parle pas breton, et qu’il n’y connaît rien ? Goebbels disait « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ». Notre bon sénateur pourrait aisément le paraphraser : « Quand j’entends le mot culture bretonne, je sors mon ignorance ».
 
        En septembre dernier, la Breizh Touch a fait se lever de leur fauteuil de moleskine quelques compatriotes torturés par la haine de soi. Les Bretons font la fête sur les Champs Elysées : c’est insupportable. Ah, plutôt les pas cadencés du 14 juillet ! Il faut remettre les vaincus à leur place, le tête basse derrière le char du vainqueur !
           On a vu apparaître le terme de « marketing identitaire » : un phénomène nouveau donc suspect. Tout ce qui bouge est suspect à leurs yeux ; alors, vous pensez, des danseurs et des sonneurs !
         Là encore, nos anticommunautaristes voudraient nous apprendre ce que nous savons et qu’ils ignorent. Ce que l’on appelle marketing tribal (et non marketing identitaire) date déjà de quelques années. Il constitue une caractéristique des sociétés post-modernes. Le marketing relationnel classique vise à créer un lien entre le client et le produit. Le marketing tribal vise à créer une relation entre les membres d’une même communauté, ce lien étant le produit. Dans le marketing tribal, c’est l’entreprise qui doit être fidèle à ses clients, et non l’inverse. Il existe un marketing tribal breton, tout comme il existe un marketing tribal racaille. Il n’existe pas de marketing tribal français parce que la réalité est cruelle : il n'y a pas de marché. Pourtant le langage furieusement décalé de la laïcité à la française (« A bas la calotte et vive la sociale ») pourrait unir des communautés déjantées.
          Cela dit, il ne faut pas tout mélanger. Comme la France, le grand capitalisme vise à l'universel. Il est limité par les identités, dans les pays à forte culture comme la Bretagne. Dans la Breizh Touch, il n’y avait ni les T-shirts ni les casquettes ni les musiques qui utilisent le marketing tribal.

        Si la société marchande n'avait pour détracteurs que les anti-communautaristes français, elle ne craindrait pas grand chose. Et ne comptez pas sur eux pour changer le monde : ils n'y comprennent rien.

LM


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Mercuriale 2007 / 10