La guerre de Géorgie
nous montre que la tension entre grandes puissances, ici la Russie et
l'OTAN, peut bénéficier à des minorités
nationales, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
Pour conclure une guerre,
l'annexion de territoires n'est plus acceptable. On ne peut plus
mépriser l'avis des populations locales. Il reste à
créer des nouveaux États amis, en favorisant la sécession chez l'ennemi et en reconnaissant les nouveaux États
indépendants. Cette stratégie correspond à la
morale politique actuelle et aux textes internationaux. Personne ne
peut hurler à l'impérialisme ni au déni de
démocratie, dans un monde massifié où
l'identité est parfois la seule richesse des peuples
périphériques. L'équilibre de la terreur
entre États-nations ("tu
ne favorises pas mes minorités et je n'encourage pas les
tiennes") pourrait bien se rompre. Alors, les scénarios de
multiplication des États et quasi-États
d'ici la fin du siècle (les experts de la NBER/USA en
prévoient plus de 500 ; Jacques Attali plus de 1000) pourraient
bien se réaliser rapidement. Compatriotes Bretons, il faut s'y
préparer. Nous sommes concernés.
Nous reviendrons
sûrement sur la Russie, qui vient de rompre l'omerta des États-nations. Mais
sortons d'abord de l'été. L’actualité
s’y est focalisée sur les débats
constitutionnels et
sur les Jeux Olympiques de Beijing. Les Français se sont
intéressés aux Jeux
Olympiques chinois à partir des enjeux sportifs français.
Nous allons mixer
l’actualité dans un autre sens, en nous intéressant
aux enjeux politiques
français à partir de la Constitution chinoise.
D’un point de vue politique, la Constitution Chinoise de 1982 se
réfère à la dictature du prolétariat. Son article 1 est sans ambiguïté :
« La République populaire de Chine est un État socialiste de dictature
démocratique populaire dirigé par la classe ouvrière et fondé sur l'alliance
entre ouvriers et paysans ».
Comme tous les Occidentaux, les
Bretons d’aujourd’hui, dans
leur immense majorité, sont opposés à la
dictature, fût-elle exercée au nom du
peuple. Ils se sont par le passé opposés à la dictature de Salut Public,
qui est la version citoyenne de ce genre de dictature. Cela nous vaut
une solide
réputation contre-révolutionnaire chez les
républicains français, alors que
notre tradition depuis 500 ans est de distance envers
l’autorité centrale,
qu’elle soit royale, de salut public, napoléonienne ou
républicaine.
La politique ne nous pousse pas vers la Chine. Mais qu’en est-il
du point de vue géopolitique, et du rôle d’une diplomatie bretonne encore à
construire ? Certes, aujourd’hui, la Chine n’est pas en guerre contre la
France ou l'Europe. Nous sommes quatre millions, et les Chinois sont plus de 300 fois plus
nombreux que nous. Ils n’ont sans doute pas lu les fables de La Fontaine citées plus haut. Pourrions-nous,
misérables rats ou pauvres fourmis, intéresser l’immense Chine ? Eux, les nouveaux
industriels du monde, seraient-ils intéressés par un Hong-Kong
d’extrême-occident ? Cela vaudrait assurément la peine de le leur demander.
Les Chinois ont-ils des traditions de type jacobin, qui
obstrueraient leurs oreilles ? Leur Constitution réserve des surprises. On peut y
lire des morceaux comme ceux-ci :
Préambule : La
République populaire de Chine est un pays multi-ethnique (…).
… il faut s'opposer au
chauvinisme de grande ethnie, et en particulier au chauvinisme grand Han (…)
Article 4 : Toutes les
ethnies de République populaire de Chine sont égales. L'Etat protège les
droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des
relations inter-ethniques fondées sur l'égalité, la solidarité et l'entraide.
Toute discrimination ou oppression d'une ethnie, quelle qu'elle soit, est
interdite (…)° Tenant compte des
particularités de chaque ethnie minoritaire, l'Etat aide les régions d'ethnies
minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel. Les régions où se
rassemblent les minorités ethniques appliquent l'autonomie régionale ; elles
établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à
l'autonomie.
Bien sûr, la Constitution chinoise condamne le séparatisme et une
répression sévère est promise aux dissidents. Celà n'a rien d'exceptionnel. Tous les États et toutes les nations défendent l'intégrité de leur territoire.
Les parlementaires français paraissent
à la fois timorés, confus et hypocrites en regard de la
Constitution chinoise. Celle-ci
fait clairement la
différence entre le droit de transmettre et le projet de
séparer. Ils
reconnaissent l’un, bien plus ouvertement que les
Français. Ils répriment
l’autre, bien plus aussi que les Français.
Dans l’Hexagone, les deux
revendications sont quasiment
confondues. La transmission de l’héritage culturel et
linguistique breton est si
contrariée qu’elle se lie naturellement avec le projet de
sécession. Est-ce un
bien, est-ce un mal ? C'est une réalité qui nous est
imposée depuis si longtemps qu'elle a engendré une
logique de libération.