MERCURIALE DE JUILLET 2009

       Aux élections européennes de 2009, les électeurs français ont été contaminés par le syndrome Obama. Ils ont voté démocrate. Cette sensibilité n’existe pas à l’état chimiquement pur sur l’échiquier français. Alors, chacun a bricolé avec ce qu’il avait à sa disposition, selon sa sensibilité.

           A droite, Nicolas Sarkozy a tenté de démontrer sa proximité avec Obama. Il a joué l’amitié américaine, scellée par le Débarquement de 1944, plutôt qu'un gaullisme historiquement anti-américain. Il a montré sa distance avec Jacques Chirac, qui est une figure reconnue, à droite comme à gauche, du républicanisme français. En introduisant les notions de discrimination positive ou de laïcité ouverte, en proposant un référendum d’autonomie en Martinique, en prenant la parole au Congrès, il agit comme un démocrate américain. Il continue néanmoins à parler de temps en temps comme un républicain français pur jus. La sensibilité démocrate s'exprimant par des projets et la sensibilité républicaine par des discours à prétention universelle, c’est une stratégie fourre-tout, mais gagnante.
 
         Le Modem, qui aurait du représenter une sensibilité ouverte sur un pouvoir breton, s’est dégonflé. Paradoxe ? Pas vraiment, lorsqu’on lit le dernier livre de Français Bayrou, "Abus de pouvoir". Dans cet ouvrage, le président du Modem se pose en défenseur du modèle républicain français. Il en reprend tous les clichés : la confusion entre secteur public et service public, la fiction d’une exception française, la laïcité sourcilleuse, les signes ostentatoires de préoccupation sociale, la défiance comme preuve de réalisme. Sa trajectoire ressemble à celle de Ségolène Royal qui, partant de positions démocrates et participatives, a cru devoir faire allégeance au républicanisme le plus bêtement tricolore. Bayrou comme Royal avaient réussi à séduire la nouvelle vague. Ils ont brouillé leur image en voulant lui concilier la vieille mythologie ringarde, de moins en moins supportable. Dommage et tant pis.
 
          En 2004, dans le créneau de la gauche laïque et républicaine, les plus en vue étaient les candidats du Parti Communiste et du Parti de Travailleurs. Ils avaient totalisé à eux deux 67 748 voix sur les 5 départements bretons, soit 4,94% des voix. Le Front de Gauche a repris ce capital commun. Des discussions ont eu lieu entre Front de Gauche et POI -ex Parti des Travailleurs- : ils ont pour préoccupation commune, on s’en serait douté, la "défense de la République" (voir compte rendu). Le Front de Gauche a d’autre part attiré les statophiles et statolâtres venus du PS, de l’extrême gauche et du gaullisme. Bilan : 2000 voix en moins, pour un total de 65 536 voix, soit 4,91%. En Bretagne, le jacobinisme se concentre et se dégonfle. Nous pouvons remercier Jean-Luc Mélenchon de confiner, dans la même tour d’ivoire, toute une gauche nostalgique de la Troisième République, récitant à l'infini un vieux catéchisme.
 
           Après son score médiocre, le Parti Socialiste veut se rénover. Très bien. Il veut être "plus à gauche". Pourquoi pas ? Mais concrètement, se veut-il plus républicain ou plus démocrate ? Evolue t’il vers un fonctionnement social et politique de bas en haut, ou l’inverse ? La surveillance bureaucratique est-elle plus à gauche que l’organisation collective ? Entre les acteurs de l’économie sociale et les commissaires de l’économie dirigée, la tradition de gauche est double. Il existe un gradient bien compréhensible du dirigisme vers l’auto-organisation quand on s’éloigne de l’influence parisienne et du secteur public. L’avenir de ce parti réside probablement dans son organisation fonctionnelle. Si celui-ci veut faire coexister en son sein le commissaire politique et l’entrepreneur démocrate, il continuera à se déchirer. S’il veut lisser les différences, il obtiendra un socialisme moyen, correspondant à la sensibilité du fonctionnaire provincial syndiqué. Il représentera alors, non un parti politique, mais un lobby sociologique.
        Nicolas Sarkozy propose l’autonomie à la Martinique. Martine Aubry proposera t’elle aux socialistes bretons de retrouver l’autonomie (et le dynamisme) qu’ils avaient au temps de Charles Brunellière, jusqu’en 1907 ?

 
          L’extrême gauche révolutionnaire avait, en 2004, uni les forces de la LCR (aujourd’hui NPA) et de Lutte Ouvrière. Elle avait obtenu en Bretagne 32048 voix, soit 2,34% des suffrages exprimés. En 2009, Lutte ouvrière, dont on se souvient des propos méprisants d’Arlette Laguillier envers la langue bretonne, à obtenu 16355 sur les 5 départements, soit 1,22% des suffrages. Le NPA, dont le parti indépendantiste Emgann est proche, a obtenu 71010 voix, plus de 4 fois plus que son ex-allié. Là encore, c’est la sensibilité la plus ouverte, la plus éloignée du vieux sans-culottisme parisien, qui émerge.
 
           En Bretagne, Europe Ecologie alliée aux autonomistes de l'Union Démocratique Bretonne obtient 18,57% des suffrages et atteint la deuxième place. Le Parti Breton, présent pour la première fois, rassemble 32710 voix, soit 2,45%.
           Les organisations et les personnalités politiques qui regardent au delà du républicanisme français apparaissent ou se renforcent. Ceux qui tergiversent s’affaiblissent. Les partis républicains et sans-culottes s’enferment. Globalement, c’est une bonne nouvelle.

JPLM

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