MERCURIALE DE JUIN 2010

            Il y a quelques semaines, un buzz avait couru sur Facebook : "un parisien a dit que je ne pouvais pas réunir 150 000 clics de Bretons en 48 h". Aussitôt dit, aussitôt fait : 200 000 clics ont été atteints. Un parisien a essayé de faire la même chose ; il en a réuni 3000. On voit la différence.
            Les apéros géants sont aussi une spécialité bretonne : 5 000 personnes à Rennes, 7 000 à Brest, 10 000 à Nantes. Nulle part ailleurs la convivialité n’est aussi présente et aussi exubérante. Bien sûr, j’entends des réticences émanant des autorités médicales et policières. La France ne rêve que de protection et de retraite. Au bouillonnement de la jeunesse, le bon citoyen préfère le maintien de l'ordre public et de l'ordre sanitaire. Triste personnage.
            La Bretagne rassemble. La France aussi, mais seulement sur convocation, les 14 juillet et 11 novembre, au pied des monuments aux morts. Peu de victoires bretonnes sont commémorées et, comme il n’existe pas de monuments aux vivants, les Bretons se rassemblent n’importe quand et un peu partou
t.
            Tout se mondialise, tout se dilue dans le ragoût global. Toutefois, ce qui est vrai pour la France ne l’est pas forcément pour la Bretagne. Ici, même les sodas américains se bretonnisent. Le Breizh Cola représente 7% des ventes sur les 5 départements, et ce chiffre est en constante augmentation. Coca-Cola rajoute désormais des triskells et des hermines dans sa publicité.
            L’autocollant de la petite bigoudène "A l’aise Breizh" s’est vendu à plus de 600 000 exemplaires et ce n’est pas fini. Pas d'équivalent français. Très franchement, vous auriez collé sur votre voiture un autocollant "En transe France" représentant un futur retraité en charentaises ? Trop la honte !

            La marque collective "Produit en Bretagne" est une singularité et un succès . Sa notoriété est incroyablement élevée, avec un taux de 90% en Bretagne et de 21% en Ile-de-France.
            Les marchandises que l’on nomme ethniques sont chez nous en plein développement. Le pendentif triskell en trois clous à ferrer, que portaient crânement les manifestants contre la centrale de Plogoff à la fin des années 70, a fait des petits. On ne compte plus les T-shirts, cravates, bonnets et autres marqueurs identitaires bretons que l’on peut se procurer dans les bonnes boutiques.
            Mais il n’y a pas que des bonnes boutiques…
            Les affairistes savent que l’identité tribale dans
le registre "Je kiffe la France" est peu répandue. La rosette de la Légion d’honneur est quasiment le seul marqueur identitaire dans cette catégorie. Elle n'est pas accessible dans les échoppes des stations balnéaires. Alors, des imitations de produits bretons, généralement de médiocre qualité, apparaissent. Il faut faire attention. Si vous voulez vous afficher comme breton authentique, ne prenez pas le risque du ridicule en le faisant avec de la contrefaçon.        
Prenons trois exemples.
            La gamme Mam’goz attitude propose des T-shirts, du linge de maison, des autocollants, des tapis de souris. C’est une production de la société Brodelec, de Saint-Jean-Le-Blanc, près d’Orléans. Cette entreprise vend aussi des serviettes de bain, des pulls marins et même des gwen-ha-du dans une déclinaison Bretagne, Breizh.
            Les casquettes avec un gros triskell proviennent de la société Nemery et Calmejane, de Tours. Encore une entreprise de la région Centre. C’est vrai qu’avec un nom de région comme cela, on a forcément des problèmes d’identité. Ils font aussi des porte-clés Euskadi et des boules à neige Corsica.
            Les éditions normandes Legoubey diffusent des cartes postales de la série Oc’h-oc’h. Nous sommes ici dans l’humour minable du zoreille souffreteux, jaloux de la santé de l’indigène. Rien à voir avec la verve dévastatrice des créateurs bien de chez nous, qui sévissent chez Yoran Embanner, KanaBeach, Paria, Breizh Punisher’s, A l’aise Breizh et d’autres encore.

            Les vacances approchent. N’hésitez pas à interpeller nos amis les touristes. Ils pourraient, sans vos conseils, acheter n’importe quoi.
JPLM
Che Guevarrec

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