Il y a environ 20 ans, les entreprises étaient sommées de s'inscrire
dans le management de la qualité. La norme Iso 9001 était le label qui devait
ouvrir toutes les portes. Le management de la qualité consiste essentiellement à
"faire ce que l'on a écrit et écrire ce que l'on fait". De
magnifiques procédures ont été écrites et suivies pour fabriquer de la crotte
standardisée. Les versions 2000 et ultérieures de la norme ont introduit les
notions de durabilité et de responsabilité sociale de l'entreprise face à ses
salariés, à ses clients et à ses fournisseurs.
Ainsi, par une évolution
naturelle, il y a environ 10 ans, nous sommes passés au développement durable.
Les normes et les labels se sont multipliés, ce qui leur
faisait perdre une partie de leur crédibilité. Il
devenait préférable de
raconter une belle histoire, et beaucoup d'entreprises ne s'en sont pas
privées. C'est ce
qu'on a appelé le greenwashing, le "plus écolo que moi tu
meurs".
Le pilier
social et le pilier environnemental du développement durable ont
obligé les entreprises à assumer
de nouvelles responsabilités. Mais le concept s'est
étendu au delà du secteur marchand. Il a
débordé sur le monde politique et le monde associatif.
Aujourd'hui, en se banalisant, l'attrait pour le management de la qualité décroit et le développement durable piétine. Le monde économique se tourne vers la responsabilité
sociale (ou sociétale).
La responsabilité sociétale brouille le rapport de forces en
ajoutant, aux intérêts des parties en présence, les intérêts de parties non
représentées : les générations futures, la tranquillité publique, l'environnement,
la planète. Le bien commun, qui avait disparu de notre champ de vision et dont
on commençait à douter de l'existence, réapparaît.
Mais voila... On sait désormais que les circuits longs peuvent vous faire
passer du cheval pour du boeuf. Des investissements présentés comme éthiques se
révèlent de temps en temps liés à l'industrie du tabac, ou pire... Les meilleures
intentions ne suffisent pas.
Une autre voie de la responsabilité sociétale est le Global
Compact de l'ONU. Ce pacte, que peut signer une entreprise (chez nous, c'est
le cas par exemple de la société Hénaff), oblige à annoncer des
mesures éthiques, et à les réaliser. Là encore, compte tenu de l'aspect
purement déclaratif, l'éloignement peut permettre à des entreprises de se faire
passer pour plus vertueuses qu'elles ne sont.
Un
remède (mais aucun remède n'est une panacée...)
à ce risque lié aux circuits longs est de passer de la responsabilité sociale à la responsabilité
territoriale.
La responsabilité
territoriale d'une
entreprise porte sur la création de richesse bénéficiant au pays, sur la
préservation-valorisation
de l'environnement naturel et humain sur place et, de façon palpable pour la population, sur l'emploi local. Cette
responsabilité territoriale sur l'emploi ne concerne pas que les
entreprises, mais aussi les
acteurs locaux de l'achat public, élus ou fonctionnaires. Quand
un élu ou un
fonctionnaire demande à une entreprise d'embaucher mais
sélectionne
systématiquement le moins cher dans ses appels d'offres, il y a
un réel
problème. Quand des municipalités achètent du
granit chinois ou espagnol pour
paver les places ; quand, par sécurité, orgueil ou
volonté de prestige, elles
choisissent systématiquement le "champion national" au
détriment de
l'entreprise régionale ou locale, elles sont irresponsables en
regard de leur
territoire. Et lorsqu'elles se défendent en disant que c'est
leur boulot, elles
se comportent comme des entreprises hors-sol. Il existe des patrons-voyous.
La responsabilité territoriale permet de montrer du doigt des
fonctionnaires-voyous et des élus-voyous. Ils agissent selon les
mêmes logiques que les patrons-voyous. Un
territoire durable, comme une entreprise durable, suppose autre chose
que la
simple maximisation des profits immédiats.