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Ferry (Jules)Père de l'enseignement public |
Un des bourreaux de la Commune de Paris
Jules Ferry, qui fut un des chefs de l'opposition républicaine sous l'empire, profite de la défaite de l'empereur Napoléon III à Sedan devant les troupes prussiennes. La République est proclamée le 4 septembre. Il est nommé préfet de la Seine, puis maire de Paris. Organisateur du ravitaillement de la ville pendant le siège, il est aussi incompétent en matière logistique que Gambetta l'est en matière militaire. Il réprime les mouvements populaires du 31 octobre 1870 et du 22 janvier 1871.Les Parisiens le surnomment " Ferry Famine ".
Quand se déclenche l'insurrection de la Commune, il s'enfuit dès le premier jour.
"
Quel enfer ! Je m'en échappe, pour la première
fois
depuis dix jours, pour prendre les ordres du prince (1).
Je croyais
trouver au logis quelque lettre de toi, rien ! As tu aussi ta fournaise
? Mais non, le Mâconnais, vert de vignes naissantes, sourit
au
ciel et à son préfet. Mon domaine à moi, celui que tous m'envient, et que personne n'ose prendre, c'est celui de l'incendie et de la mort. Il m'était réservé d'être acteur et spectateur de drames plus horribles que ceux du siège, d'angoisses plus poignantes que celles de l'affreuse semaine où nous capitulâmes, et de voir luire un jour où toutes nos misères passées, toutes nos douleurs, tous nos calvaires, me sembleraient, à côté du présent, le royaume des cieux et le paradis des anges. Place-toi par la pensée aux rayons du soleil levant, en face de l'Hôtel de Ville flambant et fumant, sa façade éventrée, découronnée, déchirée, découpant, sur la fumée noire et la flamme pétrolée, le reste de ses pignons et le peu qui survit de ses statues. Une barricade se dresse entre les deux annexes, pétillant l'une et l'autre comme deux fagots d'épine ; nos soldats la tiennent tandis qu'en face, au pont Louis Philippe, le hideux drapeau rouge déploie son haillon sanglant, sur une barricade qui tire encore sur nous. (...) "
Lettre
du 2 juin 1871 à Charles Ferry
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Dès 1871, Karl Marx l'avait repéré, et trace de lui un portrait en quelques lignes, dans "La guerre civile en France" :
" Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation. " |
Une école laïque, pas une école sociale
Jules
Ferry devient ministre de
l'Instruction de 1879 à 1882. S'il veut une école
laïque, c'est parce qu'il ne veut pas d'une école
confessionnelle ; mais il ne veut pas non plus d'une école
qui
enseignerait les idéaux socialistes. Le seul principe
tolérable, c'est le nationalisme (il dira " patriotisme ")
français.
"
Dans les écoles confessionnelles, les jeunes
reçoivent un
enseignement dirigé tout entier contre les institutions
modernes. [...] Si cet état de choses se
perpétue, il est
à craindre que d'autres écoles ne se constituent,
ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on
enseignera
des principes totalement opposés, inspirés
peut-être d'un idéal socialiste ou communiste
emprunté à des temps plus récents, par
exemple
à cette époque violente et sinistre comprise
entre le 18
mars et le 24 mai 1871."
(Discours
de Jules Ferry au Conseil général des Vosges en
1879.)
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Races supérieures et races inférieures
Ferry sera ministre des Affaires étrangères et des colonies entre 1883 et 1885. Il sera président du Conseil en 18880-81, puis entre février 1883 et mars 1885.Ferry est un des grands penseurs de l'impérialisme français.
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Statue de Jules Ferry à Tunis
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Inauguration du monument
Jules Ferry à Haiphong en 1904
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Statue de Jules Ferry à
Haiphong
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"
... Messieurs,
il y a un second point, un second ordre d'idées que je dois
également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le
bien :
c'est le côté humanitaire et civilisateur de la
question.
Sur ce point, l'honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup, avec
l'esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne,
et il dit : " Qu'est-ce que cette civilisation qu'on impose
à
coups de canon ? Qu'est-ce, sinon une autre forme de barbarie ? Est-ce
que ces populations de race inférieure n'ont pas autant de
droits que vous ? Est-ce qu'elles ne sont pas maîtresses chez
elles ? Est-ce qu'elles vous appellent ? Vous allez chez elles contre
leur gré, vous les violentez, vous ne les civilisez pas. "
Voilà, Messieurs, la thèse. ; je
n'hésite pas
à dire que ce n'est pas de la politique, cela, ni de
l'histoire
: c'est de la métaphysique politique. (...) Et je vous
défie -permettez-moi de vous porter ce défi, mon
honorable collègue, Monsieur Pelletan - de soutenir jusqu'au
bout votre thèse, qui repose sur
l'égalité, la
liberté, l'indépendance des races
inférieures. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit sur les races inférieures. (...) Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures.(...) Le parti républicain a montré qu'il comprenait bien qu'on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui des nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine ; qu'il faut autre chose à la France : qu'elle ne peut pas être seulement un pays libre ; qu'elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l'Europe toute l'influence qui lui appartient, qu'elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. "
(Débats
parlementaires, 28 juillet 1885. Cité dans : Le nationalisme
français, Raoul
Girardet, Ed. Seuil, 1983)
Texte complet : Site de l'Assemblée Nationale |
Ecoles, colléges, lycées "Jules Ferry" (il en existe des centaines) :
- Tolérez-vous que l'Éducation Nationale baptise l'école de vos enfants du nom d'un raciste connu ?
- Non bien sûr, sauf s'il a été un défenseur de nos intérêts nationaux.
(sur les "races inférieures", voir aussi Victor Hugo , Paul Bert, Pierre Larousse )
Autres temps, autre vocabulaire :
Lors des manifestations en faveur du Tibet, au printemps 2008, on a vu les représentants du républicanisme français (le sénateur Mélenchon en tête), fustiger les manifestants. Ceux-ci nous ont expliqué que, le Tibet étant un pays moyen-âgeux, il était tout à fait naturel que les Chinois l'envahissent et le dirigent.
Depuis Jules César, l'argument est avancé par tous les colonisateurs : faire cesser les guerres tribales, éduquer, civiliser. De force...
Nos républicains reprennent la formule de Jules Ferry sur les races inférieures, et l'énoncent aujourd'hui de la manière suivante :
"Les peuples avancés ont des droits sur les peuples rétrogrades. Je répète qu'il y a pour les peuples avancés un droit, parce qu'il y a un devoir pour eux. Ils ont le devoir de civiliser les peuples rétrogrades".
Autres temps, autre vocabulaire. Mêmes arrogances, mêmes catastrophes humanitaires prévisibles.
Un observateur sceptique
A propos du général Boulanger, leader populiste
" Le
général Boulanger est un danger public pour le
dedans et
pour le dehors. Au dedans, il suit sa marche audacieuse et tapageuse,
appuyé sur la
presse d'extrême
gauche (2);
comme militaire,
c'est un politicien capable de tout ;
comme homme politique, c'est un soldat dépourvu de tout
scrupule. Il connaît à fond le
tempérament du pays
et la bêtise du parti républicain. "
Lettre
à David Raynal, 29 septembre 1886
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A propos des libres penseurs
" Nous avons
enterré ce matin ce pauvre Henri Liouville. Il y avait une
grande foule de députés, de sculpteurs, de
médecins et de dames. La cérémonie a
duré
quatre ou cinq heures, car on a été à
l'église avant de monter à Montmartre. Spuller a
fait une
véritable oraison funèbre, il excelle dans ce
genre plein
d'onction. Brouardel a été un peu sec et un peu
court. Je
songeais, en suivant ce cortège, aux badauds qui
préconisent la séparation de l'église
et de
l'État. Un républicain, un libre penseur, un
matérialiste notoire, qui ne peut se passer de
prières
catholiques ! C'est, dans l'ordre individuel, le pendant de la
démarche de Goblet, président du Conseil et
partisan de
la séparation, demandant Notre-Dame à
l'archevêque
pour les victimes de l'Opéra-Comique. Il y a là
de quoi
rendre le prêtre bien fier, et nous plus modestes. Ce n'est
pas
à une puissance aussi forte, aussi respectée de
ceux-là même qui la renient, qu'on peut
raisonnablement
songer à laisser la bride sur le cou. Mais ne sommes-nous
pas un
parti de badauds, de déclamateurs ? acclamant Boulanger
-revanche- tout en gardant l'amour de la paix au fond du cœur
et
des moelles, mangeant du prêtre et nous en servant ? "
Lettre
à Madame Jules Ferry, 22 juin 1887
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A propos des revendications des instituteurs
(Que penser des enseignants d'aujourd'hui, qui sont à la fois syndiqués et ennuyeux dévôts de Jules Ferry ?)
"
J'ai lu avec
stupéfaction dans La
République
l'éloge du
Congrès des instituteurs. Avons-nous donc des yeux pour ne
point
voir ? Le sens gouvernemental est-il à jamais
retranché
de notre parti, ou est-ce le courage qui manque ? La cohue dont La
république admire la sagesse débute en insultant
Carrier (3),
qui ne se fait
accepter que par de nouvelles platitudes. Tout ce qu'il y a de révolte, d'orgueil envieux, de prétentions à gouverner l'État dans la minorité brouillonne et tapageuse d'une corporation honnête et modeste, éclate dans le tumulte et, ce qui est plus grave, apparaît dans les résolutions. De pédagogie, l'on en a cure ; on ne dit qu'un mot pour la forme. Mais les traitements, les retraites, les intérêts matériels, l'organisation " matérielle ", voilà le véritable objet vaguement entrevu par le plus grand nombre, à travers les préoccupations légitimes du pot-au-feu, habilement poursuivi par les meneurs. Une association " autonome " d'instituteurs par département, une fédération de toutes ces autonomies pour toute la France, sous la direction d'un comité exécutif formé par les instituteurs de la Seine, c'est-à-dire à la discrétion du conseil municipal de Paris : voilà ce qu'on a voté, et les républicains du gouvernement applaudissent et sourient ! Probablement aussi cette Chambre républicaine, qui a tenu à garder, par les préfets, le gouvernement des instituteurs, applaudira et sourira ! Est-ce candeur ? Eh bien ! Si Spuller laisse se constituer cette coalition de fonctionnaires, outrage vivant aux lois de l'État, à l'autorité centrale, au pouvoir républicain, il n'y a plus de ministère de l'Instruction publique, il n'y a plus d'inspecteurs, il n'y a plus de préfets, il reste une immense et formidable association, recevant de Paris son mot d'ordre et préparant, pour le compte du radicalisme parisien, les élections de 89. Tout cela est clair, on peut être complice de cette machination, il n'est pas permis d'en être dupe. Et pas un journal républicain pour dénoncer cette anarchie ! Et l'on va laisser aux cléricaux le rôle du bon sens, de l'esprit d'ordre et de discipline ! J'avoue que cela me coupe bras et jambes. J'en suis affligé et consterné. " Lettre
à Joseph Reinach, 11 septembre 1887
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Source des lettres : Lettres de Jules Ferry, Calman-Levy Ed. 1914
(1) Adolphe Thiers (retour au texte)
(2) En particulier La lanterne, d'Henri Rochefort. Aujourd'hui, l'extrême gauche française n'est pas forcément nationaliste. On pourrait néanmoins établir un florilège du populisme cocardier et franchouillard à partir de textes du Parti Ouvrier Indépendant ou de Lutte Ouvrière. (retour au texte)
(3) Alors député du Tarn (retour au texte)

ContreCulture/Ferry version 1.2